Gouvernance et management public
Pour nous les africains, plus que les autres, la stratégie, c’est l'art de maîtriser notre destin et d’assumer des risques porteurs. C’est là un premier impératif stratégique. Toute l’histoire de l’humanité démontre assurément que l’on construit un destin qui libère en profitant des opportunités latents, à un moment donné ; que l’on ne peut construire le destin des gens sans eux, mais certainement avec eux. Alors là, ils sont les pilotes. C’est évident, pour beaucoup d’entre nous, quand nous étions à l’école primaire, personne n’apprenait les leçons à notre place ; quand nous passions les examens et les concours, quand nous gérons notre maison, nos enfants et leur avenir. Il existe tant bien d’autres exemples. Il faut alors sortir des ornières. Dans ce numéro, nous donnons des exemples, le premier, celui de Dubaï ; dans ceux à venir, d’autres exemples et success stories de Singapour, de l’Inde, du Botswana, de nouveaux pays industrialisés, d’entreprises africaines auxquelles on ne prête pas une grande attention, mais qui vont jouer un rôle déterminant dans l’architecture industriel et économique du futur.
La leçon, nous devons penser le futur, par une vision, des stratégies, la normalisation qui érigent les processus en routine et non en un essentiel, le management par l’exemple, les résultats, la qualité et l’excellence, une gestion des ressources qui libère les marges de manœuvre, et des alliances stratégiques porteuses d’impacts.
Disposer d’une stratégie efficace qui produit rapidement des impacts n’est pas une mince affaire. Un enjeu, c’est le rapport, voire l’équilibre entre la démocratie et les forces de marché. C’est aussi une stratégie qui met en branle d’autres forces, celles du leadership visionnaire pour l’action, les résultats, l’excellence et la qualité. C’est celle qui reconnaît une place déterminante aux innovateurs et aux créateurs de richesses. Comme le rappelait Jacques Attali, lorsque dans une société, il existe des forces seigneuriales, rentières, guerrières ou sociales plus fortes que celle des créateurs et des innovateurs, la création de richesse inhibe le processus de développement.[1] La stratégie impose alors d’impulser des alliances stratégiques porteuses et mutuellement bénéfiques entre forces sociales pour un même intérêt, la croissance et le développement.
La stratégie suppose, on l’a assez dit, une vision, mais un vision pour l’action ; ce que rappelle la célèbre formule de « Vision without action is nothing (...) just a dream » Celle-ci part toujours d’une compétence distinctive au niveau de laquelle l’on profite des opportunités, pour les transformer en forces, en leviers pour consolider une position, grignoter et conquérir. Alors, un aspect important, c’est de gérer un portefeuille équilibré de produits et services, sur le court, moyen et long terme ; c’est de ne pas mettre ses œufs dans le même panier, c’est avoir un pied dans le passé, un autre dans le présent et la tête dans l’avenir. C’est s’émanciper courageusement et intelligemment en créant des alliances stratégiques qui libèrent la pensée et l’action stratégiques endogènes, certes endogènes, mais ouvertes aux apports fécondants de l’extérieur. « Laissez-nous penser », devrait-on leur dire.
Cette stratégie, c’est se positionner sur les alliances porteuses du futur, donc sur les nouveaux pôles de l’Africasie, de l’alliance Afrique du Sud- Nigéria-Inde ; c’est construire le pole Afrique-Inde, Afrique- Moyen orient utile. C’est réveiller les énormes potentialités de pays africains riches en soi, comme le Cameroun, le Nigeria, l’Afrique du Sud, le Gabon et créer des synergies pour la gestion du changement, pourquoi pas asseoir des fonds souverains pour la conquête du monde. Dès lors, c’est sortir de l’enfermement bilatéral de la logique et du face-à-face contraignant, du mythe des capacités faibles en réalité non optimisées… C’est résolument aller vers les fameux cercles concentriques dont parlait Senghor, encore lui, et vers la diversification. C’est donc une stratégie de réseautage intégré, la construction de pôles, là ou se trouvent les intérêts de l’Afrique.
Un autre aspect, c’est la formalisation par l’action, car « Vision without action is nothing », disait encore. La question opérationnelle pour une action libérée des processus devient ainsi comment formaliser en amont l’excellence, les résultats et la qualité, et ensuite en aval, mettre en œuvre les projets et programmes. Formaliser l’amont, c’est se libérer des processus qui doivent constituer la routine de toute gestion et non la quasi-finalité. C’est construire en amont les systèmes de management de la vision et de la pensée stratégique, par exemple les modes de planification stratégique et de contrôle de gestion au sein des Etats africains.
C’est finaliser les systèmes et les outils de gestion organisationnelle, ceux de la mise en œuvre, de la gestion des ressources, pour libérer l’action et accroître les marges de mise en œuvre de la vision stratégique, nécessairement assorties de systèmes de contrôles internes.
Naturellement, un enjeu intrinsèque aux piliers ci-dessus, c’est l’adhésion à une vision, à un projet, en somme la mobilisation des énergies, de la pensée et de l’action. C’est arriver à faire travailler les autres méthodiquement, vers une direction pour changer l’ordre des choses. C’est impulser un management par l’exemple qui fait que les gens constatant les résultats, commencent à y croire d’avantage, se convainquent donc que maintenant tout est possible.
[1] CF. Ouvrage Jacques Attali – Une brève histoire de l’avenir. Fayard
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