Depuis Taylor (1865-1915), l’on réfléchit sur la meilleure manière de faire travailler et de mobiliser les gens ; certes, par une vision mécanique et technique, une vision orientée vers la production, vers la productivité... L’intérêt supérieur semble ainsi être celle de l’entreprise. Pour des gains au profit des travailleurs, il faut davantage de productivité, de rendement, des incitations monétaires qui seraient le grand facteur de motivation. Il faut un surveillant qui contrôle, récompense et sanctionne. Le cœur du système, c’est « l’ingénieur », la machine qui produit, l’opérateur au niveau de la chaîne de production et le surveillant vigilant qui exige et fait respecter les normes.
Organiser, c’est mettre au point une division efficiente du travail, une parcellisation fonctionnelle des tâches, tout en incitant les travailleurs par un système de rémunération au rendement.
Par la suite, vint Fayol (1841-1920) : il faut planifier, organiser, commander, coordonner et contrôler (POCCC). D’autres diraient, il faut planifier, organiser, intégrer et évaluer. Henri Fayol eut le mérite de décrire le travail qualifié alors d’administratif autour de fonctions suivantes: production, commerciale, financière, comptable, sécurité, administratif. Le cœur du système, c’est « l’administrateur », planificateur, spécialisé dans une fonction de gestion.
Vint aussi Weber (1864-1920), qui mit l’emphase sur le règlement et la bureaucratie, la formalisation des organisations, notamment par voie des organigrammes.
Weber complète le dispositif précité et souligne aussi le poids et l’importance de facteurs comme le charisme et le leadership légitimés par la compétence ; il plaide pour un système et un environnement de bureaucratie rationnelle, voire rationalisée, qui applique sans état d’âme des normes et des procédures impersonnelles. Le cœur du système, c’est le bureaucrate rationnel, adepte du formalisme, des procédures et des méthodes.
Plus tard, l’enjeu devient humain et social : l’homme, avec son talent et son potentiel, est au cœur du système de performance des organisations.
Le management, c’est aussi l’art d’en tirer le meilleur profit, de valoriser le potentiel, de gérer les relations humaines au sein des organisations économiques et sociales. Apparut alors la doctrine de Elton Mayo (1881-1949) qui démystifia, à la suite d’une enquête au niveau de la Western Electric Company, l’idée reçue selon laquelle la motivation était liée aux incitations, aux capacités physiques des travailleurs, à la spécialisation… En fait, il y avait au sein des organisations une réalité latente, les groupes qui ont leurs propres stratégies et valeurs, qui pouvaient influer sur la performance.
Sur cette lancée, Abraham Maslow (1908-1970), avec la théorie des besoins, plus connue sous le terme « Pyramide des besoins Maslow » enrichira l’analyse : il existe une réalité des besoins : besoins primaires d’ordre psychologiques et de sécurité, besoins sociaux de d’estime de soi, de reconnaissance et d’appartenance. Comment le gestionnaire peut-il prendre en compte de telles réalités psychologiques et humaines pour gérer la motivation et les performances ? La question apparut alors comme importante.
Au vingtième siècle, Frederick Herzberg (né en 1923) et Douglas McGregor (1906-1924) apporteront respectivement quelques contributions décisives, le premier, par les concepts de direction par les objectifs et de direction participative par les objectifs, d’enrichissement des tâches, le second, par la théorie X et Y selon laquelle McGregor attire notre attention sur les deux facettes de l’homme au travail. Selon une hypothèse X, l’on pourrait considérer que l’homme a une aversion innée pour la travail et qu’il faut le contraindre pour qu’il libère son potentiel; mais aussi a contrario, selon une hypothèse Y, il est possible de considérer que l’homme est capable de dépassement, le problème étant comment mobiliser et réveiller les gisement de productivité qui sommeillent en lui…
C’est une nouvelle facette des enjeux du management des organisations et des hommes qui s’incruste dans les acquis précités : l’homme est une ressource. En fait, ce concept de ressources commence ainsi à revêtir un caractère systémique de ressource humaine, matérielle, financière et plus tard, informationnelle.
Au terme des ces évolutions, se fortifie progressivement un système intégré qui allie production, productivité, l’art des ingénieurs et des managers, la gestion du potentiel, la capacité à transformer les travailleurs en ressources.
En effet, lorsque la réalité économique et sociale s’est complexifiée, que la production de masse fut confrontée à de vastes territoires, que les moyens de transport relièrent plusieurs contrées à d’autres devenues de vastes marchés, il est apparu qu’il n’était plus simple de gérer comme auparavant, pour produire suffisamment face à la demande. Alors, en ces temps, commencèrent à fleurir les premières écoles de management et les premières firmes de consultants.
L’entrepreneur a ainsi besoin de managers, puisqu’il n’est pas toujours possible, même s’il peut exister des exceptions, qu’un même individu cumule aussi bien les talents de l’entrepreneur que du manager. L’alliance d’entrepreneurs, des ingénieurs, des managers, des écoles de management et des firmes de consultance en management fortifia l’Amérique des entreprises qui domina le monde, tandis que d’autres pays restaient au stade de l’organisation taylorienne et de la bureaucratie rationnelle et wébérienne.
Et l’on se posa la question comment intégrer tout cela en un tout harmonieux. La réponse fut : « tout est déjà dans l’univers qui est un système : la planète avec la lune, ses étoiles, le soleil, les saisons, chaque élément contribuant à l’équilibre global du système. » C’est l’ère de l’approche systémique. L’organisation est un système avec ses sous-systèmes de gestion stratégique, organisationnelle, opérationnelle pour l’action et les résultats, d’optimisation des ressources.
L’on passe d’une approche séquentielle à une approche intégrée.
Aux éléments précités, s’ajoutent la vision, la stratégie, les objectifs stratégiques, organisationnels, opérationnels ou autres, la créativité et l’innovation. Fleurissent les plans stratégiques de développement à moyen et long terme, des plans d’action à court terme, les indicateurs de performance, les tableaux de bord, toutes choses reprises aujourd’hui par certains sous l’appellation de « gestion axée sur les résultats », une idée aussi vieille que l’histoire du management.
Alors, l’on découvre que les managers au sein des organisations ont besoin de gens qui ont l’esprit entrepreneurial pour que ne se meurent pas l’excellence, la créativité, la prise de risque, l’innovation, pour que la gestion du changement soit considérée comme naturelle et incontournable…
La vision, le management, le leadership stratégique, l’homme érigée en ressource, l’esprit d’entreprise, l’innovation et la créativité, en somme des facteurs intangibles, ne seraient-ils pas au fond les véritables richesses des nations ?
Et si ces ressources intangibles étaient supérieures aux facteurs physiques et tangibles !
Abdou Karim et SOFThinking Management - http://www.softhinking.org
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