M. Abdou Karim Gueye, Inspecteur général
d’Etat, a récemment publié trois ouvrages numériques que nous avons le plaisir
de vous présenter, par une discussion à bâtons rompus, avec l’auteur, M. Gueye,
titulaire d’une maitrise en sciences juridiques ; en outre, il est
diplômé de l’Ecole Nationale
d’Administration et de Magistrature du Sénégal et de l’Ecole Supérieure de
Gestion des Entreprises (actuel CESAG), avec une spécialisation en management,
audit et contrôle de gestion. Auditeur, M. Gueye a aussi occupé des fonctions
de Consultant international et d’Assistant technique dans divers pays,
notamment auprès du gouvernement de la république de Djibouti. C’est, fort de
ces expériences, du vécu de nombreuses organisations, qu’il a conceptualisé des
principes et des stratégies de management des organisations, de management
public, de développement organisationnel et personnel, condensés dans ses
ouvrages. Nous sommes heureux d’en discuter avec l’auteur.
Q
M. Gueye, vous
venez de publier quatre ouvrages numériques:
- « Inspections générales d’Etat
d’Afrique. Réalités enjeux et perspectives » ;
- « Dans les bois de la gouvernance, je me
suis promené » ;
- un
recueil de poésie, « Pyramides inversées » ;
-
«Les portes étroites» ;
- un
essai, « Le Cœur et l’Esprit ».
Pouvez-vous nous
donner un premier aperçu des thèmes de vos trois e-books précités ?
Gueye
En fait, pour
cerner la portée de la pensée véhiculée par
ces ouvrages numériques, parfois sous
forme papier traditionnel, il faut en faire une lecture croisée. C’est celle-ci
qui révélera la synergie des idées développées entre les œuvres poétiques et
les essais. Ces idées, à mon avis, dans le contexte francophone, apportent une
contribution majeure à la science administrative, au management des
organisations, en général et au management public, en particulier. Certains
thèmes ou analyses sont plutôt fréquents dans des publications anglo-saxonnes… Les
thématiques s’intéressent aussi au
développement organisationnel et personnel des individus au cœur de l’action,
qu’ils soient citoyens, usagers, managers, entrepreneurs, dirigeants, leaders
ou simples employés.
Q
Pouvez-vous nous
résumer les grandes lignes de cette
pensée et nous préciser en quoi elle apporte la contribution que vous avez
esquissée ?
Gueye
Il y a quelques
paradigmes ou hypothèses dans ces trois e-books que je résume comme suit :
il existe, dans le contexte africain, et même ailleurs que sur le continent,
des principes directeurs, des choix stratégiques, des modes d’action et de
pensée qui sont ou seront les leviers de la performance, de l’excellence, de la
qualité, voire de la croissance et du développement. Dans cette perspective,
mes travaux rompent avec le « Hard Thinking », la pensée dure,
quantitativiste, qui veut tout justifier avec des modèles économétriques ou
mathématiques et qui semble plaider qu’avec de tels paradigmes, on changerait
l’ordre des choses. Mes ouvrages
essaient de démonter qu’il existe des leviers plus décisifs : la ressource
humaine, la qualité du management, le leadership, le cœur et l’esprit des gens et des hommes au travail, des citoyens,
des dirigeants, la gouvernance de contrôle…
Q
Si j’ai bien
compris, vous parlez de leviers sur lesquels il faudrait s’appuyer pour
accélérer le progrès et changer l’ordre des choses.
Gueye
C’est un peu cela.
Une sorte d’effets de levier. Pour étayer ces paradigmes, illustrés par de
nombreux exemples, j’ai décliné certains
principes directeurs:
-
un
premier principe de succès, pour l’excellence et la performance, c’est la
capacité à formaliser une stratégie de
proximité et à la mettre en œuvre, un projet intériorisé par ceux auxquels il
s’adresse ;
-
pour sortir de la léthargie, de
l’inefficacité et de l’inefficience, les managers et les leaders, surtout dans
le contexte africain, ont besoin d’assumer de nouveaux défis stratégiques et
organisationnels ;
-
pour avancer durablement, les managers et
les leaders, voire l’Afrique, en général et leurs partenaires au développement,
ont besoin de résoudre une question de légitimité, celle relative à la conduite
des politiques et des programmes publics, mais aussi la légitimité de la « maîtrise-d’œuvre »
stratégique desdits programmes et politiques ;
-
corrélativement à cet enjeu, dans mes
ouvrages, je défends l’idée que cette légitimité s’applique aussi au pilotage
du changement et aux modalités d’action qui en permettent la réalisation ;
-
enfin, toutes ces analyses m’ont permis de
poser une question fondamentale : « Demain, quelle gouvernance
africaine ? ». http://fr.slideshare.net/softhinking/demain-quelle-gouvernance-africaine
Pour y répondre, j’ai tenté d’axer le discours
autour d’une thématique, celle du cœur et de l’esprit des citoyens, des
leaders, des managers, de nos partenaires au développement, etc. Sans ce cœur
et cet esprit, on ne peut rien faire, avec des impacts durables.
Q
Nous allons prendre
le premier principe que vous avez posé et en discuter : « le principe de succès qui veut que, pour
l’excellence et la performance, il faut être capable de formaliser une
stratégie de proximité et de la mettre en œuvre ». Qu’est-ce
finalement cette stratégie de proximité et comment la mettre en œuvre ?
Gueye
La réflexion n’est
pas nouvelle. On la trouve dans diverses écoles du management des
organisations, par exemple, lorsqu’il s’est agi de dépasser les doctrines
antérieures de Taylor sur
l’organisation scientifique du travail et de Fayol sur le rôle et les taches des dirigeants, à travers sa
formule « Planifier, Organiser,
Commander, Coordonner et Contrôler ». Ces doctrines faisaient du
dirigeant l’alpha et l’oméga du fonctionnement des organisations. Dans
l’ouvrage, « Le Cœur et l’Esprit »,
je rappelle en détail cette évolution. Mais celle-ci allait être soumise à rude
épreuve par diverses autres doctrines, celles Maslow, Herzberg, des
relations humaines, des ressources humaines, du management contingent, etc. D’autres
récents écrits, par exemple, ceux de Thomas
Peters et Robert Waterman, dans son
ouvrage « Le prix de l’Excellence », vont en ce sens. Osborne et Gaebler, dans leur magistral
ouvrage « Réinventer le
gouvernement : comment l’esprit d’entreprise peut-il transformer le
service public » apportent une contribution décisive. D’une certaine
manière, ces auteurs plaident notamment
pour la stratégie de proximité. Une interrogation naturelle, c’est comment un
leader, un manager, peut-il exploiter judicieusement la véritable richesse des
organisations, voire des nations qu’est la ressource humaine, sans réveiller
les gisements latents de créativité, de productivité, d’inventivité. En
exploitant de telles idées, on constate aussi que le leadership est une
véritable ressource, pour l’excellence, la mobilisation des énergies, les
résultats et les performances.
Pour avoir vécu les
réalités de nombreuses organisations, en Afrique, j’ai tenté d’apporter une
touche endogène. J’ai en effet, dans ce continent, souvent découvert que les
organisations excellentes et efficaces avaient réussi à développer une
stratégie de proximité, voire un leadership de proximité, à l’égard des
ressources humaines, de leurs usagers, des bénéficiaires et des parties
prenantes au succès et à l’excellence.
Dans les bois de la gouvernance, je me suis promené, vous trouverez de nombreux
exemples. https://sellfy.com/GueyeKarim https://gumroad.com/abdoukarimgueye
Q
Un principe, c’est
bien. Mais c’est un autre défi que de le mettre en œuvre.
Gueye
Vous avez raison.
Il peut se poser de nombreuses difficultés à surmonter. Aussi, le duo « Cœur et Esprit », est-il posé
dans le troisième ouvrage qui s’intéresse aux contraintes de mise en œuvre.
Nous pourrions y revenir. Ce principe de succès qu’est la proximité est
détaillé dans mon ouvrage « Dans
les bois de la gouvernance, je me suis promené ». https://sellfy.com/p/zORj/
La thèse est qu’il existe une série
d’impératifs que les managers, les leaders ou les entrepreneurs doivent assumer, par
une stratégie intégrée et systémique autour des axes suivants:
-
fortifier l’adhésion à une vision, à un
projet, ce qui pose la question d’un leadership catalyseur,
« baladeur », basé sur le management et le leadership par
l’exemple ;
-
le fait de s’engager et de s’impliquer à
construire la confiance des gens en eux et au leader, voire des africains en
eux-mêmes ;
-
l’orientation vers les ressources humaines,
avec tout ce que cela suppose comme « capacitation » et au demeurant,
gestion de la méritocratie ;
-
des
stratégies et des pratiques de gestion du potentiel des gens ;
-
communiquer avec les gens, se rendre
visible et accessible, mais aussi rendre visibles les gens performants, les
talents et innovateurs.
Evidemment, je suis
d’accord que tous ces éléments supposent de lever des contraintes, de
développer et de gérer la maturité et la discipline individuelle et collective.
Sans cette discipline intériorisée, il est vain de vouloir mettre en œuvre les
stratégies et les pratiques développés dans mes ouvrages. C’est donc une
approche systémique qui est requise, pour le continent africain, certainement
pour d’autres organisations non-africaines ; celle-ci suppose de nouveaux
défis stratégiques et organisationnels à assumer, étudiés dans ces trois
ouvrages, de façon plus détaillée dans l’e-book « Dans les bois de la gouvernance, je me suis promené ».
Q
Venons-en à ces
défis ! Quels sont-ils et en quoi sont-ils importants ?
Gueye
« Dans les bois de la gouvernance, je me suis
promené », j’en inventorie un certain nombre :
-
pour s’en sortir, l’Afrique et toutes les organisation
ou pays qui n’ont pas atteint un certain stade, doivent asseoir et construire
une planification et une stratégie axée sur l’excellence, les résultats, la
culture de qualité et d’impact ; mes ouvrages plaident ainsi, au-delà
d’une gestion axée sur les résultats, pour une gestion axée sur les
impacts ; cela signifie, par exemple, dans un domaine bien particulier tel
que le partenariat au développement, que les partenaires soient, les et les autres, responsables des impacts ;
-
le deuxième aspect que j’évoque, c’est
celui de la légitimité de la conduite des politiques et des programmes publics
et, corrélativement, de la « maîtrise-d’œuvre » stratégique du
changement. http://fr.slideshare.net/softhinking/nous-avons-lu-et-comment-pour-vous4-28560881 . Pour
moi, comme développé dans ces ouvrages, la légitimité est la mamelle du
succès ; elle s’acquiert, mieux se conquiert, en appliquant les principes
évoqués précédemment. Elle pose aussi certaines questions fondamentales,
notamment la capacité à créer les conditions d’un projet d’ambition commune, la
qualité du leadership et du management par l’exemple, la capacité à dépasser
les clivages ethniques, partisans, tribaux ou autres, celle de
convaincre ;
-
la qualité du leadership et du management
est érigée par mes e-books en leviers et en préalables. Aussi, fallait-il, dans
ces ouvrages, illustrer cet impératif par plusieurs techniques de management
des organisations, en ce qui concerne les processus, les outils et les moyens de la
stratégie. Une illustration intéressante a été
comment, à partir du potentiel et des contraintes d’un pays, peut-on
développer une stratégie de portefeuille, en se basant sur la méthode de courbe
de vie des organisations, avec ses différentes phases entrepreneuriale, de
croissance dynamique, de maturité ou de déclin ? Plus globalement, j’ai
proposé à cet égard un cadre de gestion stratégique et opérationnelle de la gouvernance
dont les composantes sont déclinées dans l’e-book « Dans les bois de la gouvernance, je me suis promené ».
Q
Vous semblez miser
sur des principes. C’est sans doute utile, mais il y a l’action. Une question
fondamentale n’est-elle pas celle-ci : comment agir ?
Gueye
Je suis d’accord
avec vous. Il y a des éléments en interaction pour une stratégie de succès et
d’excellence : la vision, la stratégie, l’action. Il ya même d’autres
éléments qui doivent venir en appui, par exemple l’organisation qualitative, le
système d’information prise de décision, de gestion et de suivi-évaluation des
performances, la gestion des hommes. Je crois que quelqu’un dont je n’ai plus
souvenance, à cet instant, disait : « Qu’il n’ya pas de vision sans stratégie, de stratégie sans action »
et que j’ai également lu quelque part que « La
vision sans l’action, c’est comme un rêve. L’action sans la vision est un
cauchemar ».
C’est pourquoi, les
trois ouvrages, mis ensemble, dépassent le cadre formel des principes et vont
jusqu’à proposer des modèles d’action autour du concept des 6 A
et des 5 R ; six A comme « Analyser, Agir, Atteindre, Apprécier, Aiguillonner et Ajuster » ;
5 A comme « Ressources humaines, Ressources matérielles, Ressources Temps,
Ressources financières, Ressources informationnelles ». Par rapport à
ceux-ci, j’ajoute les 5 E, en
empruntant ce concept aux auditeurs de l’Amérique du Nord, les canadiens et les
américains : « Efficacité,
Efficience, Economie, Equité et Ethique ». Comment les mettre en
œuvre ? Où trouver le leaders capables de piloter et d’agir ainsi ? J’ai
tenté de l’expliquer à divers endroits de ces ouvrages.
Q
Ce que vous écrivez
pose une série de difficiles problèmes. On condamne l’Afrique pour une mauvaise
gouvernance qui exclurait la transparence, l’équité et tant bien d’autres
dysfonctionnements et avatars. Pensez-vous vraiment qu’il existe un leadership
et une direction qualitative appropriés pour réaliser les objectifs que vous
décrivez ?
Gueye
En fait, ce que
j’essaie aussi d’expliquer, c’est que mettre en œuvre les stratégies
d’excellence, de résultats et de qualité que j’ai défendues dans mes écrits,
suppose ce que j’ai appelé une « gouvernance
de contrôle ». Evidemment, ce terme doit être entendu dans un sens
systémique que j’explique dans l’ouvrage « Inspections générales d’Etat d’Afrique. Réalités, enjeux et
perspectives ». Pour moi, c’est la voie la plus directe et la plus
facile pour réaliser les défis et les enjeux soulevés. La gouvernance de
contrôle, bien manipulée, englobera toutes les autres formes de gouvernance
aujourd’hui largement formalisées comme concepts. Mais il faut une pensée
stratégique, des leaders et managers capables de penser de façon stratégique.
Beaucoup préfèrent la routine, les statuts, etc. Dans l’ouvrage « Inspections générales d’Etat
d’Afrique. Réalités, perspectives et enjeux », j’ai tenté de démonter
cela, par un détour basé sur l’inventaire des normes internationales d’audit,
de prévention et de détection des fraudes, des abus et des gaspillages ».
Comme il y est écrit, pour bâtir la saga de l’excellence, il faut une culture
républicaine et démocratique, une technocratie et une élite mobilisées autour
des idéaux d’un Etat moderne, un consensus qui transcende les alternances et
les changements d’homme, les clivages ethniques, tribaux, etc. C’est impossible
ou en tout cas très difficile, sans une implication de leaders engagés. En ce
sens, l’ouvrage précité permet, à mon avis, de formaliser une nouvelle
gouvernance, de façon générale, et une gouvernance de contrôle, en particulier.
Mais c’est un projet stratégique, assez lourd, qui ne peut s’inscrire que dans
un horizon à moyen terme.
Q
Cette nouvelle
gouvernance, notamment la gouvernance de contrôle que vous décrivez dans cet
ouvrage, je suppose, commande de lever des contraintes, institutionnelles,
humaines ou autres. N’est pas alors prématuré ou illusoire ?
Gueye
Vous savez, pour le
succès et l’excellence, dans « Le
Cœur et l’Esprit », je rappelle des principes séculaires démontrés par
les philosophes comme Socrate ou Planton, les psychologues, les grands auteurs
du développement personnel et organisationnel, comme Napoleon Hill, James
Allen, etc. On trouve d’autres écrits remarquables, comme l’ouvrage de Samuel
Pisard sur la « Ressource humaine ».
Si je ne me trompe
pas, c’est Napoléon qui disait que les gens détestent le changement. C’est
vrai, le changement est difficile. Il se heurte à des perturbateurs qui n’y ont
pas intérêt et dont j’ai tenté d’inventorier les profils, au demeurant très
variés : les défaitistes, les « égotistes », « les
pseudo-dynamiques » dont parlait Warren Bennis, ce que j’ai appelé
« les bois morts », « les irrécupérables », sans compter
d’autres typologies retracées dans l’ouvrage « Le Cœur et l’Esprit » et empruntées à la recherche, comme par les
isolationnistes, les critiques par vocation, etc.
En fait, si vous
gérez le changement, vous risquez, au début, de ne compter que sur les
« précoces, les innovateurs et les créatifs, peut-être les
attentistes » ou les insatisfaits
qui étaient là, végétant, en attente de l’opportunité du changement. Ces
derniers peuvent se réveiller et être très motivés. La bataille n’est pas
gagnée d’avance. La question du leadership, à ce niveau, c’est comment
exploiter une telle opportunité. En fait, c’est toute la question de la gestion
opérationnelle du changement et du modèle de la courbe de vie du changement
développée dans l’un des ouvrages.
Q
Traditionnellement,
dans plusieurs disciplines, émerge cette idée de courbe de vie, à l’image de
tout être vivant qui naît, grandit, vieillit, meurt… Vous semblez appliquer ce
principe à la gestion du changement. Il me semble même que vous l’érigez en
modèle de référence
Gueye
Effectivement !
Au cours de la phase entrepreneuriale, c’est l’intervention de pionniers,
d’individus à l’esprit entrepreneurial, créatifs, visionnaires et quelque peu
adeptes du risque ; ils ont un rêve et l’intention de le traduire en
réalités. Cependant, il n’est pas sûr qu’ils soient forcément appuyés par un grand
nombre, à part les précoces, les innovateurs ou les créatifs précités. Beaucoup
peuvent attendre : va-t-il réussir ? Qu’est-ce qu’il nous propose ?
Sans compter les alibis : « c’est difficile, on l’avait essayé, cela
n’a pas marché. Pour qui se prend-il ?
Il y a aussi les pressions de l’environnement, familial, des amis, des
sceptiques, etc.
Je crois qu’il y a
un catalogue des alibis dans mes écrits. Bien souvent, c’est au cours de la
phase de croissance dynamique et de
développement accéléré que se consolide l’adhésion. Lorsque des résultats sont
incontestables, beaucoup commence à rejoindre. Les innovateurs et les précoces
peuvent ainsi être rejoints par les attentistes et les suivistes. On perçoit
alors que le rôle du leader englobe ainsi la gestion des valeurs, des
mentalités, les types d’incitations qu’il doit octroyer pour un déclic. Il faut qu’il se brûle les doigts
pour que les autres consentent à donner leur part de sacrifice, qu’ils disent,
comme OBAMA: « Oui, nous pouvons »,
« Oui, c’est possible ».
Le grand problème, c’est que la courbe de vie du changement n’est pas forcément continue, ni linéaire, ni
éternelle. Le déclin est toujours possible. Toute chose finit par atteindre une
maturité, voire une stagnation, imposant de maintenir la motivation,
l’implication et l’engagement des gens. Le problème est alors comment passer
d’une phase de déclin à une nouvelle phase entrepreneuriale, voire de
croissance dynamique, par une stratégie que bien des spécialistes du management
appellent la stratégie de retournement. On le perçoit, il faut au leader du
courage, de la constance, de la persévérance. Il a aussi besoin d’alliances,
car l’histoire du développement, appréhendée à travers le rôle et l’apport des
entreprises, démontre qu’il faut à un moment donné une alliance entre des
leaders, des entrepreneurs et des managers, des chercheurs et innovateurs. Ce
sont eux les véritables moteurs. Cela
est impossible sans méritocratie, et cela bloque pas mal de pays du continent. En
fait, à quelques exceptions près, le leader n’est pas forcément un bon manager,
pas plus qu’un manager n’est pas forcément un grand leader, qu’un entrepreneur
n’est pas leader ou manager. S’il manque à l’un les qualités des autres, il
doit aller les chercher et s’entourer avec. La stratégie de proximité, c’est aussi une stratégie de partenariat, de
réseautage et d’alliance, comme je l’évoque à certains endroits de mes
ouvrages. On est au cœur de la modestie et de l’humilité, de l’équité ; il
y a des choses que l’on sait faire, d’autres que certains font mieux que soi.
On ne gère pas les stratégies évoquées en faisant appel à des clones. C’est
dire que spécifiquement à votre question, mes ouvrages abordent ces problèmes
difficiles. Au demeurant, admettre que c’est illusoire ou prématuré, c’est
renoncer, c’est mettre en doute les principes de la passion en ses rêves et
projets, de persévérance et de persistance que j’ai inventoriés dans le « Cœur et l’Esprit », comme leviers
de l’excellence, du succès :
-
le besoin, pour les africains et pour les
êtres humains, de la passion en leurs rêves et projets ;
-
avoir la foi et la résolution qui va
avec ;
-
un nouveau temps de valeurs d’engagement et
d’implication ;
-
la capacité des managers, des dirigeants, des
leaders et des créateurs africains à donner une forme concrète aux besoins de
reconnaissance et de gratitude, d’estime des gens en eux-mêmes.
Par rapport, à ce
qui précède, il faut corrélativement et nécessairement, une gouvernance
démocratique, entrepreneuriale et systémique que j’ai développée en
détail ; il est trop tard pour faire marche en arrière en impulsant des
systèmes et des procédés non démocratiques ; mais ceci suppose :
-
l’ajustement du management des organisations
africaines, publiques ou privées ;
-
la fin de paradigmes dictatoriaux, et à cet
égard, l’émergence de leaderships consultatifs et participatifs, transformationnels,
empreints de sagesse et de connaissance, au sens socratique du terme, de
leaders qui savent faire preuve d’une certaine capacité de maïeutique, qui croient,
comme je l’ai écrit, en citant Lao Tseu que « la longévité, c’est après la mort, ne pas être oublié… » ;
ceci suppose d’éduquer, notamment à la citoyenneté, de récompenser et de
sanctionner, de la discipline ;
-
une
direction qualitative, la capacité à créer et à faire partager des visions, à
amener les gens à les mettre en œuvre ;
-
une vision africaine, systémique et intégrée
de transparence, d’éthique, de responsabilité et d’obligation de rendre compte…
Mais, pour cela, vous
avez besoin de leaders qui ont à la fois des capacités de macro-vision et de
micro-vision ou à défaut qui savent s’entourer de telle sorte que ces deux
capacités se déploient à leur niveau, qui savent donner un sens, une
signification à la bonne trajectoire, aux actions et capables mobiliser les
gens.
Q
M. Gueye, nous
allons terminer notre entretien. Avez-vous d’autres ouvrages en chantier et
pourquoi avez-vous utilisé comme support de diffusion la technologie des e-books ?
Gueye
Je continue l’œuvre
de recherche et d’écriture entamée. Je travaille quelque peu avec la méthode du
chaos en entassant des réflexions jusqu’à ce qu’elles prennent des contours qui
me paraissent formalisés et prêts à l’écriture définitive. Je prends des notes,
chaque jour, au gré de l’inspiration. Je viens de terminer un recueil de poésie,
« Pyramides inversées », sur les blocages de l’Afrique. Je suis en
phase de lancement de cet ouvrage, avec bientôt une séance publique de
dédicaces.
Q
Un dernier
mot ?
Gueye
Je voudrais d’abord
vous remercier de l’interview et de l’attention que vous aviez bien voulu
porter à mes trois ouvrages. J’encourage tous les africains impliqués dans le
réel du continent à faire un effort pour
le conceptualiser, comme j’ai tenté de le faire. Quand vous exercez un métier
comme le mien, vous êtes déjà un écrivain, sans le savoir. Comme M. Jourdain,
vous faites de la prose sans le savoir. Un petit effort, et vous pouvez
franchir le cap. Il y a tant d’africains qui peuvent en faire de même. Il est
temps que ces « gens-là »,
pour employer un terme de mon recueil de poésie intitulé « Pyramides inversées », ne pensent
pas à notre place.
Quelques
uns de livres cités sont en ligne sur
les sites ci-dessous :
Vous pouvez obtenir des versions sous
format papier en écrivant a
Pour aller plus loin dans la réflexion,
voir mes parutions antérieures
-
Réinventer le
Gouvernement : http://www.slideshare.net/softhinking/nous-avons-lu-et-comment-pour-vous
-
La gestion de la chance,
selon les doctrines : leçons apprises - http://www.slideshare.net/softhinking/nous-avons-lu-et-comment-pour-vous4-28560881
-
Gérer pour des
résultats : leçons apprises – http://www.slideshare.net/softhinking/nous-avons-lu-et-comment-pour-vous2222
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